Algues et mollusques : comment ces espèces se répartissent sur les côtes rocheuses ?
Les estrans rocheux de la Manche et de l’Atlantique sont soumis au phénomène des marées. Ces habitats rocheux se situant à l’interface terre-mer, présente une diversité d’organismes vivants, facilement observable lorsque la mer se retire. Cette zone de balancement des marées, est un environnement particulier, soumis à différents stress (la houle, la luminosité, la température etc.) qui contraignent la présence des espèces qui colonisent ce milieu.
Les côtes rocheuses de la façade Atlantique Manche Mer du Nord sont soumises au balancement des marées, laissant une partie plus ou moins importante du littoral découverte à marée basse. Les organismes marins vivants dans l’estran doivent donc s’adapter pour survivre à ce milieu changeant, paraissant hostile aux premiers abords. Pourtant l’estran rocheux est un environnement riche en biodiversité, permettant à de nombreuses espèces de se développer et de se nourrir. Les espèces présentent dans cette zone de balancement des marées, doivent supporter ces changements environnementaux régis par la marée. Cette variabilité environnementale contraint le développement de certaines espèces et conditionne la répartition des êtres vivants des littoraux marins.
Des ceintures d’algues
Les roches du bord de mer sont colonisées par différentes espèces d’algues. Ces végétaux marins, dépourvus de racines, s’accrochent à la roche par des sortes de crampons et tirent de l’eau de mer, tous les éléments nutritifs nécessaires à leur développement. En observant de plus près, ces algues se répartissent en étages parallèles aux différentes hauteurs de marée. Cette répartition traduit la capacité des différentes espèces d’algues à supporter les changements environnementaux induit par le phénomène des marées.
Certaines algues, tel que la pelvétie, vont préférer couvrir le haut de l’estran, et en conséquent seront moins immergées. Cette algue brune, s’est adaptée aux longues périodes hors de l’eau et ne survivrait pas à rester longtemps immergé. A contrario, la ceinture d’algues située au plus bas de l’estran, est constituée majoritairement par le fucus dentelé et est presque toujours immergée. Les cellules de cette algue tolèrent la perte d’eau et les variations de salinité grâce à plusieurs processus physiologiques qu’elle a su mettre en place (1).
Les algues brunes sont conditionnées et se répartissent par leur aptitude à résister à la sécheresse du milieu, aux variations de température, ou encore aux variations de salinité (3). Ces grandes algues fournissent une quantité de nourriture importante tout en jouant un rôle essentiel dans le développement de certaines espèces qu’elles abritent. C’est le cas notamment de certains gastéropodes, ces petits escargots de mer fixés ou peu mobiles, qui vivent dessus. Les algues conservent l’humidité à marée basse, et protègent ainsi leurs petits résidants du desséchement (1).
Ces ceintures algales structurent de façon verticale nos côtes rocheuses en indiquant le niveau de l’estran. Les ceintures algales sont de vrais habitats pour ces mollusques et chaque espèce à une préférence !
La répartition des mollusques sur l’estran
Les mollusques se répartissent eux aussi en fonction des conditions liées à la marée. Cependant il existe pour chaque espèce de mollusque une association avec une ou plusieurs ceintures d’algues caractérisant le niveau de l’estran. Les algues sont à la fois une source d’alimentation et de protection contre la prédation pour les mollusques ; mais elles permettent aussi la diminution des stress environnementaux (variations de températures, de salinité et d’humidité) qui pourraient affecter la vie de ces escargots de mer (3).
Certains mollusques vont préférer se développer seulement sur un type de ceinture algale. C’est le cas des littorines bleues qui sont essentiellement retrouvées en haut de l’estran sur la pelvétie. A l’opposé, le calliostome privilégie le bas de l’estran avec le fucus dentelé.
Le haut et les bas de l’estran abritent des espèces de mollusques totalement différentes l’une de l’autre, ce sont deux habitats distincts ! Pour respirer dans ces habitats, ces deux mollusques ont des caractéristiques physiologiques différentes. Par exemple, la littorine bleue respire grâce à une ébauche de poumon alors que le calliostome est pourvu de branchies (1).
D’autres espèces de mollusques colonisent plusieurs ceintures d’algues, notamment celles se trouvant au milieu de l’estran. Les patelles, moules et balanes cohabitent au même niveau de l’estran que les fucus spiralés et vésiculeux. Les gibbules et pourpres vivent sur ces espèces végétales mais sont aussi répandues sur l’ascophylle noueux, qui est retrouvé au milieu des estrans abrités de la houle. Les littorines fabalis et obtusata, sont également observées sur plusieurs espèces d’algues du milieu de l’estran rocheux mais aussi tout en bas de celui-ci, proche de la zone continuellement recouverte.
Des algues et des mollusques en étages, la zonation verticale
Les côtes rocheuses se situent à l’intermédiaire des environnements terrestres et marins. Au sein de cette zone, l’alternance des marées induit un gradient de stress environnemental, déterminant la distribution des organismes vivants du haut vers le bas de l’estran. C’est le cas pour les espèces d’algues qui se répartissent suivant leurs aptitudes à résister aux variations environnementales. Les mollusques s’organisent aussi de façon graduelle sur l’estran et sont associés à des ceintures algales. Les extrémités sont spécifiques d’une espèce de mollusques alors que le centre de l’estran est plus diversifié. Cette distribution des organismes vivants sur l’estran est appelée zonation verticale (2).
Bibliographie :
(1) Lallier, Francois, et André Toulmond. « La vie d’une marée à l’autre », Pour la Science, no 346 (30 novembre 1999). Consulter ici.
(2) Chappuis, Eglantine, Marc Terradas, Maria Elena Cefalì, Simone Mariani, et Enric Ballesteros. « Vertical Zonation Is the Main Distribution Pattern of Littoral Assemblages on Rocky Shores at a Regional Scale ». Estuarine, Coastal and Shelf Science 147 (juin 2014): 113‑22. https://doi.org/10.1016/j.ecss.2014.05.031. Consulter ici.
(3) Morgana Tagliarolo. Adaptations métaboliques des organismes dans la zone de balancement des marées : implications sur la biodiversité locale dans un contexte de changement climatique. Sciences agricoles. Université de Bretagne occidentale – Brest, 2012. Français. ffNNT : 2012BRES0046ff. fftel00816887v2f. Consulter ici.
Pour aller plus loin :
Pour en savoir davantage sur les habitats du littoral et l’estran rocheux :
Pour découvrir et connaître la diversité des algues brunes et mollusques de la façade Atlantique Manche :
Rédaction : B. Siegrist
Crédit photo : Tristan Diméglio